2 mai 2012

The Avengers ou les héros nuls

En tant qu'inconditionnel de Whedon, je me devais de voir The Avengers au cinéma. C'est chose faite (en 3D, s'il te plaît). 

Whedon a réalisé une synthèse intéressante. Le scénario est simpliste et efficace : le monde est menacé par des extra-terrestres et il faut le défendre. Les effets spéciaux sont soignés, comme les scènes d'action. On a même fait attention à bien utiliser la 3D qui n'est pas un simple gadget. Tous les personnages ont leur petit moment. Et on rigole bien.

Cependant, connaissant Whedon, on peut se demander si l'essentiel n'est pas ailleurs. Déjà, dans Buffy, sous un aspect série B, il explorait des thèmes profonds. D'autre part, il est connaisseur de comics et un scénariste chevronné. Le thème du superhéros revient dans la plupart de ses productions (Buffy, Firefly, Dollhouse, Angel). Examinons comment il s'en sort.

On peut remarquer qu'il a choisi de prendre les choses avec humour (à rebours de Dark Knight qui se prend très au sérieux mais tourne à vide selon moi). Nombre de répliques sont très drôles et mettent en avant le caractère hétéroclite des héros. Cela met également l'accent sur leur côté décalé. Captain America appartient à un autre temps ; Hulk est presque incapable de se maîtriser en société ; Thor prend de grands airs de dieu nordique ; Ironman est enfermé dans son égocentrisme. Quelles que soient leurs qualités, ils sont en-dehors de la société des hommes. Des losers.

Cela est renforcé par leur invulnérabilité. On les voit à peine être essoufflés ou même saigner. Whedon prend pourtant un malin plaisir à les envoyer dans tous les coins du décor. On retrouve même parfois une esthétique de cartoon, déjà employée dans la saison 5 de Buffy. Les superhéros ne sont que des jouets que l'on peut jeter contre les murs sans crainte de les casser, comme un enfant capricieux. Le traitement réservé par Hulk à Loki est à cet égard exemplaire.

Il faut souligner que ces superhéros, s'ils sauvent le monde au final, sont tout de même chacun impliqués dans l'arrivée des méchants. Captain America est celui qui a déterré le cube d'énergie ; Thor est celui qui a détrôné Loki et provoqué son alliance avec l'ennemi ; c'est la tour d'Ironman qu'on utilise pour lancer le rayon ouvrant la porte vers un autre univers ; Hulk détruit la moitié du vaisseau du SHIELD. Même la Veuve Noire et Hawkeye qui apparaissent comme les deux faces d'une même pièce avec leur statut d'agent, leurs costumes noirs et l'amitié qui les lie avant même le début du film : l'un d'eux devient un suppôt du mal pendant une grosse partie du film. Ainsi, le superhéros ne fait que réparer les dégâts qu'il crée.

Finalement, les héros sont nuls, dans le sens où ils ne servent à rien. Ils sont manipulés depuis le début par un Colonel Fury particulièrement machiavélique. Au final, les héros en sont réduits à être des images semblables à celles que collectionne l'agent Coulson dont la mort est utilisée pour unir les héros. Pendant ce temps, ceux qui chapeautent le SHIELD continuent d'exercer leur pouvoir dans l'ombre. Il n'y a aucune remise en cause politique. Derrière le discours martial, où Captain America impose son autorité par la force, les superhéros ne sont qu'une distraction (les derniers plans sur les médias se chargent de nous le montrer). Alors qu'ils auraient le pouvoir de tout changer, ils se fondent dans la masse une fois qu'on n'a plus besoin d'eux.

Le film se permet néanmoins certaines allusions politiques. On parle d'erreurs récentes par la bouche de Fury. Captain America, la bonne conscience de l'Amérique, nous rappelle qu'il n'y a qu'un seul dieu : on sait où mène une croisade contre le mal. Finalement, par un 11 septembre inversé, la tour d'Ironman est sauvée. Mais elle l'est d'un missile envoyé par les autorités américaines elles-mêmes. Comme si le pays n'avait besoin de personne d'autre pour se torpiller. D'ailleurs, on notera que les méchants sont extrêmement effacés.

Tout ça pour dire que, si les héros sont nuls, le film ne l'est pas.

1 commentaire:

Eric Nieudan a dit…

Bonne synthèse des thèmes du film, merci Fabien. Je me suis souvenu en pleine projection d'une des premières interviews de Whedon au sujet du scénario. Il disait de mémoire que la plus grosse partie de son travail serait de trouver comment empêcher tous ces personnages de se taper dessus une fois dans la même pièce.

Et c'est vrai qu'il s'en sort très bien. Six personnages décrits comme ça en deux heures, c'est magistral.