15 septembre 2010

Le Châtiment des Flèches. Extrait 3/3


Dernier extrait du Châtiment des Flèches, petite plongée dans la Hongrie de l'an Mil et qui paraît ces jours-ci chez Pygmalion fantasy.

Après avoir vu le versant épique et l'inspiration western, voici un aperçu de la magie chamanique avec une descente dans le territoire des esprits, au pied de l'Arbre-Monde qui relie la terre et le ciel.



La chamane, étourdie, observa le paysage autour d'elle. L'ombre était devenue lumière, et le jour s'était fait nuit. Le monde baignait dans des lueurs crépusculaires. Elle marchait depuis des mois peut-être. La lune avait parcouru le firmament, d'abord croissant puis quartier, gibbeuse et pleine ensuite. À moins que ce ne fût le soleil.

Ce n'étaient plus les montagnes qui s'élevaient mais les vallées qui s'effondraient. Le ciel ressemblait aux surfaces noires des lacs. Il n'y avait pas de vent ni d'animaux. Soudain, Duna aperçut un loup aux yeux d'humain. Elle tressaillit.

« N'aie pas peur, táltos, dit-il. Ton âme a quitté tes entrailles et tu te trouves dans le monde des esprits.

— Qui es-tu ?

— Ton guide, bien sûr. Mon nom est Ogmand. J'étais naguère un homme. »

Duna était en nage. Tantôt elle ressentait un froid glacial, tantôt elle étouffait.

« Nous devons escalader le Világfa, l'Arbre-qui-atteint-le-ciel, reprit Ogmand. Ne perdons pas de temps car on te suit.

— Qui ?

— Le loup d'István est sur tes traces.

— Je ne le connais pas.

— Tu l'as déjà rencontré. Il se nomme Farkas.

— C'est donc lui que l'on appelle l'íz ? s'étonna la táltos. Il était pourtant aux côtés de mon père.

— Les hommes changent parfois… »

L'animal se mit en route et Duna le suivit. Elle essayait de se rappeler les traits de Farkas. En vain. Seuls ses yeux de fauve demeuraient gravés en elle. Il avait arrêté son bras dans la tente de Koppány. Elle aurait dû tuer le traître à cet instant. Un flot de haine lui emplit la poitrine.

Elle trébucha. Ses pieds nus ne foulaient plus la terre sablonneuse de la puszta mais une surface rugueuse. Après un moment, elle comprit qu'il s'agissait d'écorce. Ils étaient arrivés au Világfa. Un tronc gigantesque, large comme une montagne, s'élançait vers le ciel qu'il couvrait intégralement de ses branches. La chamane marchait à présent sur une racine démesurée.

« Ne faut-il pas descendre pour retrouver les âmes des morts ? s'enquit-elle.

— Ne sois pas impatiente. Souviens-toi que tu contemples ce que seuls les táltos peuvent voir. »

Des formes vides tourbillonnaient autour d'eux, tels des brouillards mouvants.

« Nous mangerons ce que nous pouvons manger, sifflaient-elles. Sang d'humain !

— Reculez ! leur gronda Ogmand.

— Nous boirons ce que nous pouvons boire. Sang d'humain ! »

Le loup grogna en montrant les dents. Les esprits refluèrent à contrecœur.

Image : source Wikipedia, Chronique enluminée, invasion des Hongrois

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