2 juin 2010

Chose vue 22 : sans les mains

Le matin, gare de l'Est, Paris.

Il n'y a pas grand monde, à cette heure, à arpenter le hall de la gare : des militaires armés de mitrailleuses et de mines rébarbatives, des enfants en pagaille qui partent en colonie, des hommes d'affaires pressés. Et puis lui.

Le vieil homme s'est assis sur les bancs métalliques placés devant le tableau des départs. Ses cheveux rares sont bien coiffés en arrière, son pardessus est fraîchement repassé. Digne, il lit le journal posé sur ses genoux.

Et puis, soudain, il lui prend l'envie de le replier. C'est long, ça fait du bruit. Un froissement agaçant monte. On s'énerve de sa maladresse de vieillard quand, malgré tout, il parvient à ses fins. C'est alors qu'il part et qu'on voit, à la place des mains, deux moignons encore roses, aussi lisses que son pardessus.

1 commentaire:

Charlotte Bousquet a dit…

Scotchée suis-je. Par le fond et la forme.