16 novembre 2009

Jordi en Hongrie


Il s'appelle Jordi, il a 68 ans et était en concert au Müpa de Budapest mercredi dernier. Je veux parler de Jordi Savall, le musicien catalan que tu connais sans doute du film de Corneau, Tous les matins du monde, où il officiait à la viole de gambe. Bien sûr, il ne s'arrête pas à la musique ancienne et explore les genres et les époques avec sa femme, Montserrat Figueras, et son ensemble Hespèrion XXI.

Son dernier album tombait fort à propos puisqu'il y était question de rapprochements entre l'Orient et l'Occident à travers l'œuvre d'un compositeur moldave des XVIIe et XVIIIe siècles, Dimitrie Cantemir. Brièvement prince de Moldavie, il a surtout passé une vingtaine d'années à Istanbul, rédigeant au passage et en turc un Livre de la science musicale. C'est principalement des extraits de cet ouvrage qu'étaient tirées les œuvres jouées au concert.

Je ne te parle pas de la beauté, à la fois visuelle et sonore, des instruments anciens, ni même de celle de la musique et du chant. Tu iras écouter toi-même si cela t'intéresse. Sache seulement que le public était dans une attitude proche du recueillement, laissant les musiciens enchaîner harmonieusement les morceaux sans les interrompre par des applaudissements intempestifs. Tout devenait fluide.

J'en viens à la fin où le public a fait un triomphe aux musiciens qui nous ont gratifiés de deux rappels, le second étant un extrait du Llibre vermell de Montserrat, recueil médiéval de chants de pèlerins (si tu ne connais pas, fonce). Jordi Savall a même fait chanter le public au refrain "Avé Maria". C'est la première fois que je vois ça à un concert de classique.

Le premier rappel consistait en une chanson célèbre dans toute la Méditerranée depuis des siècles. Les musiciens l'interprétaient dans ses différentes versions avant de la reprendre tous ensemble. Savall présentait la mélodie en racontant que, lorsqu'ils avaient joué la version turque en Grèce, on leur avait dit : "Non, non, c'est une chanson grecque typique !". Quand ils avaient donné la variante grecque en Turquie, on s'était écrié : "Vous vous trompez, c'est une chanson turque traditionnelle !". Je cite de mémoire et en traduisant de l'anglais la conclusion de Savall : "C'est le problème aujourd'hui, les différents pays ont oublié que, des siècles auparavant, ils jouaient la même mélodie".

1 commentaire:

charlotte a dit…

J'adore Montserrat Figueras. Découverte avec une sublime interprétation des Chants de la Sibylle... Le libre Vermeil et d'autres font très heureusement partie de la dicothèque de la maison.
Donc, je t'envie, Fabien. Beaucoup... Et je ne puis qu'espérer que le couple bougera jusqu'à Paris.